Quelle protection sociale pour les travailleurs indépendants ?

By on 12/04/2017

Une récente étude de la société spécialisée dans la gestion du capital humain ADP l’annonce : 53% des Français songent à passer au statut d’auto-entrepreneur. Cette catégorie socio-professionnelle connaît une expansion rapide, en particulier dans les services. En France, le nombre d’indépendants a augmenté de 35% en dix ans. Ils sont près de 3 millions en 2017. Un succès qui dissimule mal la précarité de ce modèle, proposant une protection sociale bien moins avantageuse que celle des salariés. Pour inverser la vapeur, candidats à la présidentielle, mais aussi mutuelles, rivalisent d’imagination.

Le risque d’une précarité accrue

Publiée le 9 août 2016, la Loi Travail portée par la ministre Myriam El Khomri est la première à faire mention de l’expression « travailleurs indépendants ». Le texte introduit notamment un principe de « responsabilité sociale des plateformes » en mettant à la charge de celles-ci, et sous certaines conditions, la prise en compte des frais d’assurance couvrant les risques d’accidents du travail, la contribution à la formation professionnelle, et le droit pour les travailleurs indépendants d’entrer dans un « mouvement de refus concerté de fournir leurs services » sans engager leur responsabilité contractuelle avec la plateforme. Avantage de cette dernière : toute personne, physique ou morale, peut proposer à titre professionnel un service de communication au public en ligne.

Pour autant, la situation d’un travailleur indépendant n’est pas encore toute rose. Selon Olivier Passet, directeur des synthèses économiques chez Xerfi (spécialiste des études sectorielles), l’auto-entrepreneur se concrétise par une « emploi instable, intermittent, souvent peu rémunéré, et n’ouvrant que très peu de droits sociaux ».  Entre 2006 et 2015, le revenu moyen des indépendants a baissé de 15% en euros constant. Aujourd’hui, un auto-entrepreneur actif gagne en moyenne 5280 euros/an.

Dans ce contexte, une question en particulier se pose : quelles solutions apporter pour sécuriser le parcours des indépendants ? En cette année électorale, la classe politique s’est emparée du sujet.

La classe politique et les mutuelles prennent des engagements

Chez les candidats à la présidentielle, deux tendances se dégagent. Il y a d’un côté ceux qui, comme François Fillon et Emmanuel Macron, voient l’auto-entrepreneuriat comme une opportunité à saisir. De l’autre, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon considèrent cette nouvelle forme de travail comme une régression vis-à-vis du salariat.

Pour ceux qui le souhaitent, François Fillon veut créer un « statut de prestataire indépendant », en mettant en place une réduction du risque de requalification d’un contrat d’indépendant en contrat de travail. Le candidat LR veut donc créer un statut irrévocable pendant trois ans, mais aussi augmenter le seuil de revenus maximal des indépendants. Emmanuel Macron y voit quant à lui une opportunité, à l’heure du numérique. Il souhaite notamment doubler les seuils de chiffre d’affaires du régime de la micro-entreprise, fusionner ce dernier avec le régime général, et supprimer le RSI, comme le demande d’ailleurs Jean-Luc Mélenchon.

Le candidat de « la France insoumise » compte faciliter la requalification en contrat de travail des auto-entrepreneurs à contrat unique et prestataires pour des plateformes comme Uber. Quant à Benoît Hamon, il a annoncé sa volonté de lutter contre « le salariat déguisé des entreprises ubérisées », et d’aligner les droits des indépendants sur celui des salariés. Il veut aussi améliorer les retraites et la couverture des accidents du travail des indépendants. Marine Le Pen a, elle, annoncé un bouclier fiscal pour les indépendants et un allègement fiscal et administratif – des mesures qui visent davantage les petits commerces.

Du côté des mutuelles, on n’a pas attendu l’élection présidentielle pour engager des initiatives. Certaines ont déjà mis en place des mécanismes de protection sociale pour les auto-entrepreneurs, notamment au niveau des complémentaires santé. Par exemple, comme l’écrit Le Figaro, « les contrats de mutuelle santé Madelin possèdent des garanties personnalisables et il est donc possible de souscrire une mutuelle qui rembourse les consultations non prises en charge par le régime obligatoire (médecines douces) ».

D’autres développent des outils d’accompagnement, à l’image du Groupe Audiens qui mise sur la prévention. Le groupe de protection sociale, spécialisé dans les métiers de la culture, est bien placé pour le savoir ; ses assurés constituent un public aux parcours professionnels différents de ceux des salariés. De fait, il s’agit de « développer des services dédiés » pour mieux « gérer les phases de transition et de rupture » des salariés, comme l’explique Patrick Bézier, directeur général du groupe.

Certes, le régime micro-social de l’auto-entrepreneur, créé en 2008 à travers la loi de modernisation de l’économie, reste encore précaire pour certains travailleurs. Cependant, pour d’autres, il offre aussi clairement des avantages, parmi lesquels : un régime social simplifié, des cotisations sociales calculées en fonction du chiffre d’affaires, ou encore une exonération de la TVA. Un « choc de simplification » en quelques sortes…

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