Combat McGregor – Mayweather : l’inquiétante professionnalisation du streaming illégal

Combat McGregor – Mayweather : l’inquiétante professionnalisation du streaming illégal

Avec le développement des services de streaming illégaux, sont apparus des sites de faussaires imitant les plateformes légitimes afin de donner l’illusion de la légalité et de tromper les utilisateurs. Une pratique qui n’est pas sans conséquences pour le marché, mais aussi les spectateurs.

Le 27 aout dernier, le boxeur américain Floyd Mayweather s’est imposé samedi par K.-O. technique face à l’irlandais Conor McGregor dans un match de tous les superlatifs. Si la performance était impressionnant pour un homme invaincu après 50 affrontements – et boxant contre un homme de 11 ans son cadet – le match est également entré dans l’histoire pour le plus grand recours au streaming (diffusion d’une vidéo en direct sur internet) illégal de l’histoire de ce sport. La société de cybersécurité Irdeto a en effet relevé que pas moins de 239 streams illégaux avaient permis une rediffusion pirate du match – dont pas moins de 165 ont été partagés directement sur des réseaux sociaux comme Facebook, Twitch, et Periscope. Au total, ce sont 2,930,598 spectateurs qui ont vu le match en toute illégalité.

Si ces chiffres – imputables à la part croissante dédiée au streaming sur les réseaux sociaux – sont déjà impressionnants, ils cachent une réalité encore plus surprenante : un grand nombre d’internautes n’avaient pas conscience du fait qu’ils regardaient le match illégalement. D’après Irdeto, « un marketing intelligent » a pu mener dans l’erreur un nombre considérable de ces usagers. Les fournisseurs de streaming fonctionnent comme « un business à part entière » et sont devenus très professionnels. « La disponibilité du contenu est la clef, et cela a pu tromper des consommateurs qui ont choisi par inadvertance un service illégal au lieu d’un service légal » conclut le groupe.

Les démonstrations sportives : une cible de choix

En une seule journée, Irdeto a dénombré 42 publicités pour des plateformes de streaming illégales permettant aux usagers de visionner le match sur des sites de e-commerce tout à fait légitimes, notamment les géants Amazon, eBay et Alibaba. De fait, les sites de streaming ont longtemps joué sur la confusion des genres, donnant l’illusion d’un service licite – à l’image de Mégaupload qui proposait un abonnement à vie à 199 euros. Les grands évènements sportifs sont désormais la pierre angulaire de ce business, « avec des milliers de sites proposant une diffusion des millions de spectateurs », souligne Rory O’Connor, le vice-président sénior chargé de la sécurité chez Irdeto.

Ce développement d’une offre illégale, singeant les sites officiels est une véritable épine dans le pied des fournisseurs légitimes, qui doivent acheter les droits de diffusion à des prix importants, et se conformer à tout un ensemble de règles contraignantes. De plus, les pirates deviennent de plus en plus efficaces dans leur entreprise de maquillage, et les premiers perdent désormais une part de marché conséquente. La fraude n’est pas non plus sans risque pour l’internaute trompé, qui peut être considéré comme receleur. En droit français, le recel consiste en « le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre ».

Une illusion de gratuité

Mais l’explosion du streaming illégal a un parallèle: les consommateurs, à leur insu, deviennent les vaches à lait des pirates informatiques.
Les hébergeurs de site illégaux vont ainsi tirer profit de leur trafic, voire infecter leur machine. Une étude Hadopi parue en juin 2017 sonnait le signal d’alarme, soulignant que les internautes qui se rendent sur des sites de streaming illégaux peuvent être victimes de ransomware et autres malwares. 91 % des sondés disent avoir subi des « nuisances » au cours de 2016. 94 % des consommateurs occasionnels – de fait moins au fait de ces pratiques – disaient avoir été victimes de tentatives d’hameçonnage. Si les conséquences sont souvent bénignes, elles peuvent aussi être bien plus sérieuses : vol de coordonnées bancaires, usurpation des moyens de paiement, usurpation de l’identité…

Sans aller jusqu’au logiciel malveillant, parfois l’économie même du marché illégal expose à des risques. Une étude de l’association Ennocence mettait en garde contre le recours de sites de streaming illégaux, ces derniers ayant très largement recours à des pop-ups, des mails non sollicités (spams) et des publicités pornographiques pour se financer. Aussi, les enfants et jeunes adolescents – principaux utilisateurs du streaming illégal – peuvent aisément se retrouver confrontés à des contenus inappropriés (violents, dégradants, pornographiques…). L’association souligne que « 14 % des enfants de 9 à 16 ans à avoir surfé sans le vouloir sur un site pour adultes ». Cela atteint même 36 % pour les 15-16 ans. Les faits ne sont pas anodins : « 74 % des enfants exposés malgré eux à des images pornographiques en ligne affirment l’avoir mal vécu », d’après le rapport. Avec les conséquences qu’on connaît : dépressions, complexes, violences sexuelles et autres dérives.

En définitive, la pratique du streaming, particulièrement le streaming d’évènements sportifs, a de beaux jours devant elle. Elle génère après tout la somme colossale de 147 millions de dollars. Avec le développement de streaming illégal – en particulier les sites aux airs légitimes – il est fort à parier que ce chiffre va continuer à battre des records.

 

J. Barbier

La Rédaction

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