France : l’agriculture, secteur économique mal-aimé ?

By on 14/02/2017

La France est la deuxième puissance agricole mondiale derrière les Etats-Unis, la première en Europe. Sur le plan des chiffres, c’est à peu près tout ce qu’on peut dire de positif du secteur. En perte de vitesse depuis plus de 30 ans, l’agriculture française fait grise mine. Comment remonter la pente ? En commençant par écouter ceux qui vivent de la terre et la font vivre, les agriculteurs.   

Selon les dernières données disponibles, en France, l’agriculture et l’agroalimentaire ne pesaient en 2014 que 3,5 % du produit intérieur brut (PIB), contre plus de 6 % en 1980 et 13,7 % en 1955. Aujourd’hui, tous les indicateurs sont à la baisse. Selon le Graph Agri 2016, document élaboré par le ministère de l’Agriculture, la surface agricole utilisée en France métropolitaine s’est réduite de 16 % entre 1950 et 2014. Le nombre d’hectares consacrés à la production de pommes de terre a fondu de 83 %, celui de vignes s’est réduit de moitié.

Les agriculteurs, bien entendu, suivent la tendance. Le nombre d’actifs permanents travaillant dans les exploitations métropolitaines entre 2010 et 2013 baisse de 5,7 %, et l’âge moyen des chefs d’exploitations agricoles est désormais de 51 ans, soit beaucoup plus que pour la moyenne des actifs, qui est de 40 ans. Mais la baisse drastique du nombre d’agriculteurs n’est guère surprenante lorsqu’on sait que 30 % d’entre eux ont des revenus équivalents à 354 € par mois, comme le dénonçait en 2015 la Mutualité sociale agricole (MSA). Cette dernière signale par ailleurs que la demande de primes d’activité a explosé en 2016, ainsi que le nombre d’appels enregistrés par Agri’écoutes, la permanence de prévention du suicide chez les agriculteurs.

Cette situation n’a pourtant rien d’inévitable. L’agriculture reste un secteur clé de l’économie, et ce serait aller trop vite en besogne que de vouloir l’enterrer sous le regard méprisant qu’on réserve aux métiers considérés comme obsolètes, peu innovants ou inutiles. Ce serait oublier trop rapidement les nombreux secteurs d’activité qui dépendent directement de l’agriculture, comme la fabrication des denrées alimentaires, le travail du bois ou la restauration. En faisant quelques comptes rapides, on s’aperçoit que ces secteurs, plus les emplois agricoles non salariés, représentent 2,4 millions d’actifs, soit 9,1 % de la population active française. Ce qui est loin d’être négligeable !

On le dit peu, mais l’agriculture contribue à alimenter la chaîne de l’industrie agroalimentaire, s’intègre dans le secteur de la chimie, intervient dans la production mécanique et se trouve même au fondement du très précieux secteur touristique français. Le monde entier ne se précipite-t-il pas sur la gastronomie, les vins et les paysages de l’Hexagone ?

A une époque où de trop nombreuses personnes doutent de la capacité de l’économie française à s’insérer dans la mondialisation, il faudrait rappeler que la France est le premier producteur européen de blé, volailles, maïs, sucre et viande bovine. Au niveau mondial, elle est le deuxième producteur de vin, cinquième producteur de blé, volailles et lait, sixième producteur de viande porcine, septième producteur de maïs et huitième producteur de sucre et viande bovine. Elle a pourtant des concurrents redoutables tels que le Brésil, l’Argentine et la Chine, des pays bien plus importants en termes de surface agricole. Mais aussi bien moins entravés par des normes en tous genres.

Les paysans français militent pour une simplification des normes environnementales, qui peuvent se révéler contre-productives si elles coûtent trop cher et qu’elles ne s’appliquent qu’en France, offrant un avantage concurrentiel considérable aux autres pays. La FNSEA, premier syndicat agricole, souhaite ainsi revoir la Charte de l’environnement pour réduire l’importance du principe de précaution et y introduire un principe d’innovation. La proposition est audacieuse et se veut un remède contre la frilosité qui frappe souvent les décideurs à Paris et à Bruxelles.

La possible interdiction du glyphosate en Europe le confirme. Alors que le président de la Commission environnement de la FNSEA y voit « un produit irremplaçable, dont l’impact sur les rendements et la qualité des récoles est inestimable », la Commission européenne a décidé d’enregistrer une initiative citoyenne européenne (ICE) l’invitant « à proposer aux Etats membres une interdiction du glyphosate ». Au nom de quoi, cette interdiction ? D’une supposée dangerosité, dénoncée par le Centre international de recherche sur le cancer, mais invalidée par toutes les agences de santé sérieuses.

Alors qu’on entend parler d’émeutes de la faim dans tel ou tel pays, comment expliquer que les Français en général et leurs hommes politiques en particulier ne viennent pas davantage en aide à un secteur aussi performant ? La campagne présidentielle se poursuit sans qu’aucun candidat n’ait accordé au secteur l’importance stratégique qu’il mérite. Comme le déclarait récemment à L’Humanité Jérémy Decerle, président de Jeunes Agriculteurs, « si demain nous voulons des campagnes vivantes, des paysages diversifiés, une alimentation de qualité, il n’y pas d’autres solutions que de maintenir des agriculteurs nombreux sur les territoires ». Les différents candidats présidentiels en sont-ils conscients ? La question se pose…

Peut-être pourraient-ils commencer par s’intéresser aux propos du PDG du groupe Bonduelle, qui dans un entretien accordé à Usine Nouvelle affirmait que « l’agroalimentaire français ne peut être compétitif que si son agriculture est performante ». Et d’ajouter : « Oui, nous avons un génie technique et scientifique fabuleux, que cela soit dans l’agroalimentaire, les biotechs, la mécanique et l’aéronautique. Ces atouts ne demandent qu’à être libérés… La France pourrait exploser économiquement si ses forces vives étaient libérées ». Voilà qui est dit.

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