Téléphonie : En Marche vers une nouvelle taxe ?
La loi pour réduire l’empreinte carbone du numérique doit être votée jeudi prochain à l’Assemblée nationale. Le très controversé article 14, prévoyant que les appareils conditionnés ne soient pas assujettis à la rémunération pour Copie privée (RCP) sera au cœur des débats. Certains marcheurs, candidats aux élections régionales et également députés, devront se prononcer sur ce sujet, qui pourrait bien venir parasiter leur fin de campagne. Explications.
L’heure approche. Le projet de loi pour réduire l’empreinte carbone du numérique sera discuté jeudi dans l’hémicycle. Les organismes de gestion collective comme Copie France poursuivent leur lobbying pour demander la suppression de l’article 14 bis, lequel prévoit l’exemption de la RCP sur les téléphones portables et les tablettes reconditionnés. Pour le moment, les fabricants paient cette taxe pour les appareils neufs sortant de leurs usines, les deniers récoltés servant à rémunérer les artistes et l’industrie culturelle.
UFC contre-attaque
Les défenseurs de l’article 14 sont aussi en ordre de bataille et peuvent compter sur un nouvel allié de poids. Lundi dernier, l’association de consommateur « UFC-Que choisir ? » a demandé aux députés de s’opposer à l’élargissement de la RCP au titre de la préservation de la jeune et fragile économie circulaire, et du pouvoir d’achat des plus défavorisés. Au-delà de la simple déclaration, « l’association attaque devant le Conseil d’État, la décision de la Commission pour la copie privée établissant les barèmes des téléphones mobiles et tablettes reconditionnés », a-t-elle annoncé dans un communiqué publié lundi. Un recours auprès du Conseil d’État a également été déposé pour « abus de pouvoir » par une coalition des acteurs du reconditionnement.
« L’analyse par l’UFC-Que Choisir ? des prix de plus de 3 000 smartphones reconditionnés met en évidence que le prix médian de vente de ces terminaux est de l’ordre de 190 €, ce qui montre que le public visé par ces produits est loin d’être celui en mesure de débourser jusqu’à plus de 1 000 € pour un smartphone neuf ! », poursuit l’association. D’autant que la RCP frapperait les appareils, quel que soit leur prix de vente. L’UFC-Que Choisir ? craint dès lors un effet inflationniste qui serait « d’autant plus violent pour les consommateurs modestes. » Alors même que les Français payent déjà une redevance 76 % plus élevée que la moyenne européenne.
Sujet épineux à l’approche des régionales
Du côté de la majorité, le malaise est palpable. Le sujet divise : quand la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, soutient un élargissement de la RCP, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, et le Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, Cédric O, s’y opposent.
D’autres ne se sont pas encore prononcés. Et il y a fort à parier qu’au cœur des élections régionales, la position de certains députés sera scrutée de prêt, tant le sujet est médiatisé. C’est notamment le cas de Bruno Bonnell, entrepreneur dans le monde des jeux vidéo et de la robotique, député LREM du Rhône et tête de liste en Auvergne-Rhône-Alpes ou encore du très libéral Laurent Saint-Martin, député du Val-de-Marne, rapporteur du budget de la Commission des finances de l’Assemblée nationale et candidat de la majorité en Île-de-France.
Les deux députés de la majorité macroniste se trouvent dans une situation délicate. Si leurs profils technophiles et libéraux laissent penser qu’ils s’opposeront à cette nouvelle taxe provoquée par l’élargissement de la RCP, ils risquent de s’opposer frontalement à la position du gouvernement. Mais en pleine campagne électorale, il leur sera difficile de défendre une nouvelle taxe sur les téléphones, d’autant plus que celle-ci risque de pénaliser en priorité les jeunes et les catégories populaires, déjà largement touchés par la crise sanitaire. Leurs adversaires politiques en région ne manqueront pas d’instrumentaliser cette question, d’autant plus que les candidats flirtent dangereusement avec la barre symbolique des 10% d’intention de vote. Car oui, pour les deux candidats de la majorité, en difficulté dans leurs régions respectives, chaque bulletin compte.
Bruno Bonnell est crédité de seulement 13% des intentions de vote. Il va falloir marcher sur des œufs, s’il veut jouer des coudes avec le président candidat, Laurent Wauquiez (LR), largement en tête avec 35% des intentions de vote.
Même son de cloche pour Laurent Saint-Martin. Le candidat n’est pas un premier choix et se substitue à la défection du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Le jeune marcheur de 35 ans souffre d’une popularité vacillante avec seulement 15% des suffrages. Comme si cela ne suffisait pas, la moitié des élus régionaux du MoDem ont apporté leur soutien à la présidente sortante, Valérie Pécresse.
Une nouvelle taxe sur les téléphones qui pourrait bien pimenter cette fin de campagne.