Paradise Papers : Quand les journalistes dénoncent un système légal… dont ils profitent !
Depuis quelques jours, la presse s’emballe et l’opinion s’émeut sur les réseaux sociaux. A l’origine ? La publication par le journal Le Monde de révélations sur un vaste système utilisé par des grands patrons français pour réduire leurs impôts, taxes et charges en tout genre. C’est ce qu’on appelle l’optimisation fiscale : faire le choix, parmi les dispositifs mis en place par le législateur, de celui qui est le plus avantageux. Choisir par exemple entre une crèche et une nounou en fonction de la déduction d’impôt possible selon son taux marginal, c’est donc de l’optimisation fiscale.
Problème : ce qui est « dénoncé » est parfaitement légal, et nous le faisons tous à notre échelle (cf. les pubs pour l’immobilier locatif). La preuve, de nombreuses professions, dont les journalistes, profitent de très généreuses réductions fiscales. La confusion entretenue entre les Panama Papers (fraude fiscale) et les Paradise Papers (optimisation) est donc malheureuse et témoigne, sinon d’une posture militante et / ou idéologique, du moins d’une méconnaissance dommageable de ce qui est appelé l’« optimisation fiscale ».
Des pratiques légales …
L’importance de la terminologie utilisée est ici fondamentale. En effet, il n’est aucunement question de fraude fiscale, pratique défendue et condamnée par la loi, mais bel et bien d’optimisation fiscale. En effet, cette pratique est un processus parfaitement légal, encadré par une réglementation et certifiée par la mobilisation coûteuse d’un écosystème d’experts et d’avocats, spécialisé sur ces problématiques. La ligne rouge n’est jamais franchie dans le cas des Paradise Papers. Les personnalités concernées, souvent à l’origine de la création de plusieurs dizaines de milliers d’emplois et à la tête de groupes qui contribuent activement à la richesse nationale par le paiement de l’impôt sur les sociétés, agissent dans un cadre strictement déterminé par le droit.
… et largement répandues
Les « révélations » du journal Le Monde constituent une atteinte à la vie privée et au respect de la propriété, deux droits fondamentaux structurants de notre système démocratique. Elles demeurent aussi empreintes d’une certaine hypocrisie. En effet, s’il est une profession qui tire allègrement profit des réductions fiscales, ce sont les journalistes. Pour rappel, la niche fiscale offerte au journalisme coute plusieurs centaines de milliers d’euros à l’Etat. Pour le seul journal Le Monde, 3 millions d’euros échappent aux caisses de l’Etat chaque année. Là où des entreprises paient une TVA de 20 %, Le Monde profite de taux très avantageux, limités à 2,1 % ! Autant de conséquences dommageables pour l’hôpital public, l’enseignement ou encore nos forces de sécurité. Rarement, ce sujet est évoqué. Dans l’audiovisuel public, ces avantages sont encore plus importants mais, là encore, rarement dénoncés.
Autre exemple, Oxfam, très active dans le cadre des Paradise Papers, jouit de revenus annuels d’environ 1 milliard d’euros. L’association est, bien évidemment, exemptée d’impôt sur les sociétés. Quant à son Président, il touche 350 000 dollars annuels. Et ce sont les donateurs, qui financent l’association, qui contribuent activement à inonder les caisses bien pleines d’une association qui ne participent en rien, à la richesse nationale. Et ces avantages bénéficient aux fonctionnaires européens et internationaux, mais aussi aux députés, dont une partie de leurs revenus, sous la forme d’une « indemnité de fonction », n’est pas imposable.
Du bon usage des deniers publics
L’autre question qui se pose est celle de l’usage fait de ces impôts. Loin d’être strictement réservée aux missions vitales, la contribution publique est largement gaspillée, mal utilisée et la gabegie financière française n’est plus un secret. Ce n’est pas un hasard si les français font face à des taux d’imposition largement supérieurs aux autres pays européens. La prétendue évasion fiscale témoigne essentiellement d’un mauvais usage de l’argent public, qui échappe trop souvent aux hôpitaux et aux policiers, pour atterrir dans les poches de la presse, de l’audiovisuel public ou de la classe politique. Il est toujours plus délicat, plus dangereux, plus insolent, de dénoncer un système dont on profite très largement. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas.