Jean-Marc Danton : « Covid 19 : Vers des dirigeants marathoniens plutôt que sprinters »

By on 22/04/2020

Expert en recrutement de dirigeants depuis trente ans et aujourd’hui directeur général de Progress Associés, Jean-Marc Danton parle de son métier et de la façon dont son cabinet le pratique : avec rigueur et bienveillance et, plus encore, avec l’ambition de « rendre service » à l’entreprise comme au candidat. Dans ce contexte si particulier pour nombre d’entre elles, il revient sur le métier de dirigeant et l’engagement que cela implique.

Les dirigeants actuels font face à une crise sans précédent, quelles sont selon vous les qualités qui feront la différence dans un tel contexte ?

Entre une start-up, une ETI familiale ou une entreprise cotée l’équation est très différente. Une chose est claire, c’est que partout, quel que soit le secteur, les soft skills des dirigeants vont être mis à l’épreuve. Au-delà de la maîtrise technique de la crise, indispensable pour assurer la pérennité de l’entreprise, il s’agit surtout d’incarner les valeurs et la mission de l’entreprise tant vis-à-vis des clients que des collaborateurs. Les équipes ont besoin d’une figure de proue, d’une personne résistante au stress qui saura faire preuve d’humanité et de bienveillance tout en donnant le cap. On ne s’improvise pas leader. La légitimité se prépare, c’est un travail au long cours. La crise va agir en révélateur des fondamentaux de la culture d’entreprise. Ce qui différencie cette crise sanitaire d’une crise purement économique c’est la charge morale qui pèse sur le dirigeant, à la fin tout le monde se posera la question de savoir s’il a été à la hauteur.

Le télétravail globalisé nous fait entrer dans une nouvelle ère, celle du management à distance, le lien interprofessionnel est distendu, auriez-vous des conseils à donner ?

Je me garderai bien de donner des conseils dans un contexte si particulier. Nous faisons face à une situation inédite qui implique des décisions inédites, il n’y a pas de précédent auquel se rattacher. Cette crise a pour effet de replacer le dirigeant au centre, et certains d’entre eux doivent composer avec un chiffre d’affaires nul ou quasi nul. Ils ont la responsabilité de trouver le bon équilibre entre les contraintes financières et les efforts demandés aux équipes. Dans ces conditions, la communication interne est indispensable, les managers doivent maintenir le lien avec leurs collaborateurs, ils doivent se montrer rassurants, et donner du sens à leur action pour qu’elles restent mobilisées. Ce qui est certain, c’est qu’à la fin de cette crise la manière de gérer des équipes aura évolué. Face à la crise, les entreprises et les organisations découvrent également une nouvelle manière de fonctionner. La contrainte et l’urgence révèlent des ressources d’agilité et d’engagement ainsi qu’une plus grande capacité à prendre des décisions rapidement. A la sortie de cette crise, cette rapidité de mise en œuvre et cette capacité d’adaptation seront des aptitudes sur lesquelles il faudra savoir capitaliser.

Ce confinement bouleverse les habitudes et amorce, dans certains secteurs, un bond technologique, quid du secteur du recrutement ?

Oui on a pu le constater dans le secteur de la santé notamment, les médecins auparavant réfractaires à la télémédecine ont été contraints de massivement l’utiliser. Si cela est envisageable pour certaines professions, il ne peut pas être dupliqué partout. Le métier de recruteur, et particulièrement lorsqu’il est question de cadres dirigeants, implique une dimension humaine à laquelle il n’est pas possible de se soustraire. Si l’écran nous permet de voir, il ne nous permet pas de percevoir. Certains traits de caractère, qui constituent l’étoffe d’un grand dirigeant, ne peuvent être perçus qu’en présentiel. Toutefois, cette crise nous conduit, comme nos clients, à nous adapter. Les outils digitaux étaient déjà largement utilisés au sein du cabinet et nous avons pu rapidement nous organiser pour travailler à distance. La visioconférence a remplacé les rencontres en face-à-face et les réunions. Cela nous permet d’avancer sur les projets qui ne sont pas suspendus et de garder le lien au sein des équipes. Il y a peu de doute que cela impactera durablement notre manière de travailler.

De quelle manière la révolution digitale impacte-elle votre façon de travailler ?

Notre métier, outre la partie conseil, implique de gérer de la donnée, il faut chercher, trouver et qualifier un grand nombre d’informations. C’est un travail méticuleux qui a considérablement évolué ces dernières années avec le développement des bases de données et la montée en puissance des réseaux sociaux professionnels. Il n’y a jamais eu autant d’informations disponibles à la portée de son moteur de recherche. L’intelligence artificielle est promesse de performance dans notre travail d’identification de candidats. Son utilisation doit permettre de nous rendre plus efficaces et plus pointus dans nos recherches : cartographie plus exhaustive, raisonnement par analogie et par « signaux faibles » pour identifier de nouveaux talents, identification de points communs dans des trajectoires professionnelles … Les nouvelles technologies représentent une fabuleuse opportunité en ce qu’elles ouvrent le champ des possibles.

Il y a quarante ans, naissait Progress Associés. Sur quel projet collectif le cabinet s’est-il bâti ?

Le marché du recrutement des dirigeants est marqué par la forte présence de grands acteurs anglosaxons intégrés. Dans ce contexte extrêmement concurrentiel, Progress Associés a opté pour un positionnement différenciant reposant sur des convictions fortes : demeurer indépendant, préserver une culture de partnership et un état d’esprit entrepreneurial,  maîtriser notre croissance afin de d’assurer l’excellence de nos prestations, développer nos talents en interne. La plupart de nos clients sont des entreprises dont le siège et les instances de gouvernance (conseil d’administration, direction générale) sont en France. Cela couvre aussi bien de grands groupes français internationaux que des ETI familiales ancrées dans leur territoire. La proximité et la construction d’une relation dans la durée caractérisent les relations que nous établissons avec nos clients. Désormais, nos offres s’articulent autour de 3 pôles : le recrutement d’équipes dirigeantes, l’évaluation et le développement des talents managériaux et l’accompagnement des conseils d’administration : évaluation de leur fonctionnement et recherche d’administrateurs indépendants.

Au-delà d’une orientation résolument humaine, Progress Associés tire sa valeur ajoutée de son expertise métiers. Aujourd’hui, à l’exception du secteur pharmaceutique, tous les domaines d’activité sont couverts par les associés.

Vous vous êtes récemment dotés d’un advisory board, quelle est sa vocation ?

Il y a deux ans, quand j’ai pris la direction générale à la suite d’Alain Prestat, j’ai pensé qu’il serait bon de bénéficier de l’expérience d’anciens patrons qui auraient les moyens de nous challenger. Notre advisory board compte aujourd’hui sept personnes âgées de 56 à 72 ans. Des conseillers qui ont du recul et qui, comme Philippe Pauze, ancien président de Picard, et Jean-Pierre Séguret, ancien président de DDB, portent les valeurs que nous voulons incarner. Ce board est un vrai plus, à la fois créateur de lien et aiguillon de la performance.

Quelle est votre vision de Progress Associés à trois ans ?

Comme pour beaucoup d’entreprises, cette crise va être un révélateur pour la solidité de notre modèle. Notre indépendance, notre agilité et les valeurs collectives qui nous animent doivent nous permettre de passer ce cap avec nos clients et avec nos candidats.

Ce métier est un bain de jouvence : on y est constamment nourri par les autres et aux prises avec l’actualité puisque les gens viennent à nous porteurs de problématiques liées aux enjeux du moment. Dans trois ans, je nous vois toujours ancrés dans cette modernité et portés par le goût du conseil de qualité. En ce sens, je nous trouve très proches de l’industrie du luxe : à la fois portés par la marque, par notre savoir-faire et par notre capacité à donner du sens à notre métier.

Quelles valeurs le cabinet incarne-t-il ?

En tout premier lieu la bienveillance et une farouche volonté d’indépendance. Ce qui est très structurant lorsqu’on est indépendant, c’est de s’inscrire dans le temps long, d’être porté par une ambition autre que les résultats à court terme.

 

 

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